mardi 19 avril 2011

HOMMAGE AU PREMIER MAIRE NOIR DE FRANCE, MORT EN DÉPORTATION EN 1945

La ville du Mans dédie samedi une place à Raphaël Elizé, le premier maire noir de l’Hexagone, élu en 1929 dans la petite ville de Sablé-sur-Sarthe.
Raphaël Elizé © DRDestitué en 1940 pour motif racial par l’occupant nazi, ce vétérinaire de profession sera arrêté pour faits de résistance et mourra en déportation en 1945.
"Figure injustement oubliée"
"Il s’agit d’une figure extraordinaire, injustement oubliée, qui rappelle que la France d’Outre-mer enrichit la France métropolitaine. Un message utile en ce moment", souligne le maire du Mans, Jean-Claude Boulard (PS).

Le jeune Martiniquais arrive en 1919 à Sablé, petite ville de 5.000 habitants de la Sarthe rurale et conservatrice, "car on y cherchait un vétérinaire". Dix ans plus tard, il devient le premier maire socialiste de cette commune - aujourd’hui fief de François Fillon.
"Il exerçait un véritable ascendant par son affabilité, son efficacité, sa force et son sens des responsabilités. En dix ans, il a complètement fait oublier la couleur de sa peau", relève Patrick Communeau, historien local co-auteur d’un ouvrage sur Elizé ("Raphaël Elizé (1891-1945), Premier maire de couleur de France métropolitaine", Editions du Petit pavé).
Réélu en 1935, le maire antillais fait construire la première piscine olympique de l’ouest de la France, crée une cantine communale et une consultation pédiatrique gratuite à l’hôpital local. Les Allemands le destituent le 9 août 1940, à son retour du front. "Il est insupportable pour l’armée allemande de reconnaître comme maire en territoire occupé un homme de couleur et de discuter avec lui", comme le dit l’arrêté de la Feldkommandantur.
Agent de liaison pour la résistance
Elizé reprend son activité de vétérinaire. "A ce titre, il avait droit à un laisser-passer, ce qui lui permettait de jouer les agents de liaison pour la résistance", indique M. Communeau.
Dénoncé, il est arrêté en 1943, torturé et déporté à Buchenwald où il meurt le 9 février 1945 après avoir été blessé dans un bombardement allié. Depuis la Libération, la place de la mairie de Sablé porte son nom.
"Son modernisme et son enthousiasme ont profondément marqué les Saboliens" et son élection a symbolisé une "première avancée de la lutte contre les préjugés", relève dans un communiqué à l’AFP le Premier ministre, François Fillon, qui fut maire de Sablé de 1983 à 2001.

Mais l’avènement du premier maire noir de l’Hexagone est loin d’avoir fait école, se désole le Conseil représentatif des associations noires (Cran) de France. "Avec cinq maires noirs pour 35.000 communes de France métropolitaine aujourd’hui, le progrès est insignifiant depuis la IIIe République", s’indigne Patrick Lozès, président du Cran. La population noire est évaluée à "5 millions de personnes" dans l’Hexagone mais le Parlement (Assemblée nationale et Sénat) ne compte qu’une seule députée noire élue dans l’Hexagone. "Cette inégalité est choquante au regard des valeurs de la France", estime M. Lozès.

Mobilisé pour la guerre de 14-18
Elise, la grand-mère de Raphaël Elizé, qui a donné son nom à la famille, "était une esclave affranchie convaincue que la seule manière de progresser passait par l’instruction et le travail", comme l’explique Jean-Max Elizé, un de ses petits-neveux, qui assistera à la cérémonie.

Né en 1891 au Lamentin, en Martinique, son grand-oncle, fils d’un haut fonctionnaire des impôts, s’était réfugié en métropole à l’âge de 11 ans, après l’éruption de la Montagne Pelée (30.000 morts) en 1902. Il passe son bac au lycée Buffon à Paris puis intègre l’école vétérinaire de Lyon dont il obtint le diplôme juste avant d’être mobilisé pour la guerre de 1914-1918.
Philippe Schwab (AFP)

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